mercredi 12 décembre 2007

Belleville, Facebook et citoyenneté

Je reviens ce jour d'une plongée au sein du Paris de Belleville, si cher à Daniel Pennac. Certes, le Zèbre y est toujours présent, au moins symboliquement, pour rappeler qu'ici le louchebem avait droit de cité il y a encore cinquante ans, mais aujourd'hui, la face du quartier a profondément changé. Il mérite une visite pour se rendre compte du visage réel de la France urbaine et laborieuse de 2007. Franchissons honnêtement un rubicond, un tabou, et avouons le, on est au coeur des communautés, ici turque, là loubavitch, plus loin chinoise, ou encore arabe (divisée souvent selon les origines nationales).
Ce symbole du Paris populaire, gavroche, communard, nous alerte sur notre réalité contemporaine et nous appelle à la regarder en face.
Ma première réflexion consiste à dire qu'un travail en profondeur est à reprendre dans nos mentalités. Et notamment le fait que le principe d'unité nationale ne peut plus être conçu comme un absolu positif autorisant la négation des diversités culturelles. Et ce, d'autant plus que l'analyse du territoire peut s'analyser aussi comme une lutte d'influence entre communautés. Par ailleurs, dans ce "bouillon de cultures", on est frappé par le maintien du caractère laborieux de la sociabilité. Le commerce, je devrais dire le "business" est omniprésent, mais aussi la misère, les "marchands de sommeil". Le choc des conditions sociales est impressionnant : là une puissante limousine attestant le caractère florissant des affaires de son propriétaire, ailleurs la pauvreté de personnes récemment immigrées réduites à des conditions de vies indignes. Ajoutons que, discrètement, derrière un porche, on trouve aussi des havres de luxe pour bobos, mais qui semblent destinés à être surtout cachés de la face du monde (la rue), pour protéger la quiétude de cette nouvelle bourgeoisie "high tech".
A l'évidence ce lieu est un laboratoire sociopolitique passionnant car il y a une réalité communautaire, le choc des cultures, mais aussi un contexte économique qui fait qu'on n'est pas dans le contexte des "banlieues difficiles". Il y a là une épure de l'évolution sociale dans un contexte où entreprendre n'est pas voué à l'échec. Celle de la France qui est sensée "travailler plus pour gagner plus"?
Une chose est donc sure, si le principe d'égalité des droits pour chaque citoyen français, et au delà, de reconnaissance des droits inhérents à chaque individu, doit rester un principe, il ne peut servir à nier une réalité sociale communautaire qui est la logique d'organisation et de construction sociale de la réalité. Une fois de plus j'ai rencontré l'illustration forte d'une intuition personnelle : la société d'aujourd'hui s'élabore, d'un coté selon le principe du "triomphe de l'individu", de l'autre avec le "retour des tribus". Est ce un mal ou un bien, je ne me pose pas la question, il faut simplement admettre que c'est ainsi!
Seconde réflexion, le "bobo", dans son havre de paix, lui aussi cherche sa communauté. Avec sa "csp++", son capital social et culturel qui en font le fruit de la geste républicaine à la française, notre citoyen indifférencié, mais qui s'est distingué par le concours ou par le salaire, se cherche malgré tout, lui aussi, une identité de rattachement. Alors, enfant de la laïcité, de l'école républicaine et de la modernité, il rentre dans son loft, le soir, et calme son angoisse solitaire en sessions frénétiques sur Facebook.
L'enjeu de ces bouleversements interpelle la politique et les politiques quels qu'ils soient. Arrêtons de privilégier les principes et de faire, à l'ancienne, primer le phantasme sur le réel.
Ce n'est sans doute pas un hasard si ce vingtième arrondissement de Paris fut aussi un laboratoire de l'échange participatif et délibératif citoyen. Même si la thématique semble avoir pris "un coup de vieux" après l'élection présidentielle, c'est bien de ce coté là qu'est possible une co - construction de l'intérêt général dans le respect de la spécificité de chacun.

1 commentaire:

Amira a dit…

Tres bien ecrit, et d accord avec ce que vous dites et suggerez. L aspect cosmopolite est tres present a Paris, mais pas seulement. Il faut rappeler que ce n est pas un fait nouveau, paris a toujours ete le cadre d une richesse multiculturelle. Ce phenomene est global, dans les plus grandes et "happening" villes du monde, il y a ce phenomene, Il y en a ou on l on gere plutot bien ce phenomene, d autres ou on observe une politque de l autruche quant a ce phenomene, et enfin celles qui revendique cet environement multiculturel et en fait sa force. Exemple personelle, la ville ou je vis Dubai.