dimanche 24 février 2008

autodéprésidentialisation

Oui, je sais, ce n'est pas facile à prononcer! C'est pourtant le néologisme qu'utilise ce matin Jean - Luc Parodi dans le commentaire qu'il porte sur le sondage IFOP du JDD. Il parle de ce que N. Sarkozy semble se faire à lui - même!
Je ne le commenterai pas, tant la "prudence de sioux" de cet expert en institution et en évolution de popularité se manifeste dans son papier.
Il a certes raison de dire que les élections municipales possèdent un "régime" très spécifique et des enjeux politiques et personnels locaux qui "jouent à plein". Mais il souligne aussi que c'est la première fois qu'un Président fraichement élu "dévisse" autant dans les sondages de popularité, en même temps que son Premier Ministre atteint des sommets qui évoquent, en comparaison, l'Himalaya.
Nous voici donc, comme le disait souvent notre regretté René Rémond, "à front renversé" par rapport à l'habitude de la cinquième république.
Deux remarques:
1) Cela m'évoque le début du mandat de Georges Pompidou. son Premier Ministre d'alors, Jacques Chaban Delmas, avec sa "nouvelle société", semblait sérieusement concurrencer, et ce de manière autonome, la popularité du Chef de l'Etat. La situation est rapidement devenue insupportable pour ce dernier, et le fidèle P. Mesmer devint le second Premier Ministre de l'ère pompidolienne.
2) "L'embellie fillionnesque" m'évoque ce qu'on pourrait nommer une popularité de soulagement. Comme si les français découvrant une facette insoupçonnée de N. Sarkozy, trouvait en la personnalité très différente du Premier Ministre une bouée de sauvetage. Ceci dit, on cherche la bouée quand on est sûr d'être dans le naufrage!

La crédibilité de l'exécutif est bien sérieusement mise en cause, directement ou indirectement!

dimanche 17 février 2008

Sortons calmement les boussoles

Depuis un an, le paysage de la presse écrite nationale française a bien évolué. Un des faits majeurs, qui mérite d'être salué, c'est, à Marianne, dans un contexte tellement hostile, le maintien d'une ligne éditoriale critique et néanmoins (pour partie) identifiable idéologiquement.
Le dernier épisode de cette aventure, fort sympathique, est la pétition dont on peut prendre connaissance ici.
Plusieurs points méritent d'être posés pour éclairer le lecteur de ce blog.
1) En premier lieu, on ne peut que se réjouir d'une telle initiative, quelque soit l'opinion qu'on a de l'actuel Chef de l'Etat. Observer des personnes ayant exercé et/ou exerçant des responsabilités politiques de premier ordre se soucier de la République est un véritable réconfort, voire la preuve que le souci du bien commun n'a pas disparu des préoccupations de nos élites. Ce n'était peut - être pas si évident pour nombre d'élus et d'électeurs, voila qui semble venir prouver le contraire. Est ce à dire que, pour autant, l'antidote au populisme est "dans la seringue" que constitue cette démarche?
2) En second lieu, derrière l'éventail apparemment large des pétitionnaires (droite et gauche confondues), j'observe une forte majorité de personnes qui me semblent marquées par une certaine "tentation jacobine". Je ne leur fais pas un procès, je ne mets pas en doute la sincérité de leur signature et de leur opinion, mais on peut trouver un point commun fort entre toutes ces personnes : leur attachement idéologique à la notion de nation. Cette fiction, quelque peu transcendante, en laquelle il faudrait absolument croire pour être un "bon républicain".
3) Les commentaires des internautes sont au moins aussi intéressants que le contenu et du préambule introductif et de la pétition elle - même : nombres d'internautes, notamment les plus sensibles à l'argumentaire de la pétition, crient : et nous la dedans, peut - on signer? On veut participer! Je ne doute pas de la suite de l'opération, il me semble évident que cette pétition s'ouvrira, mais le dispositif d'annonce, ouvert aux élites, fermé aux gens du commun, me semble typique d'une certaine conception fossilisée de la société, en tout cas foncièrement fondée sur une vision binaire et archaïque de la politique.

Il me semble qu'à bien des égards, la France est très différente des USA, néanmoins avec un tout petit peu d'agilité et, au risque de la témérité, rappelons comment s'est construit le projet politique américain : quand les religieux puritains du Mayflower quittent l'Europe pour la côte Est de l'Amérique, leur projet est de vivre au quotidien leur foi dans l'espace public. Ils ont alors recours à ce qu'on appelle les town meetings, ces réunions d'habitants, se fixant en un endroit, faisant cité, et décidant, entre croyants égaux, du devenir de leur communauté. C'est de là qu'est né le projet démocratique et émancipateur qui conduira à l'indépendance américaine. C'est aussi de là que l'on comprend à quel point religion et politique sont confondus aux USA, Dieu ne posant pas problème puisqu'il est omniprésent et objet d'une relation personnelle chez chaque citoyen quelque soit sa croyance.... à une exception près : quand sa croyance est l'absence de croyance!
Raviver chez nous l'ontologie républicaine me semble un projet souhaitable, digne d'intérêt et d'engagement, mais peut - il se faire en recyclant les vieilles structures, les vieilles lunes, les antiques barrières sociales et politiques ? Non, il me semble que reconstruire la République laïque, c'est d'abord se soucier de la base, du citoyen, de ses aspirations. Encore une fois, même si sur nombre de points on peut être critique envers le marxisme, l'analyse des cinétiques sociales établie dans le capital et dans le manifeste demeure un apport de connaissance essentiel : ce n'est jamais la superstructure qui fait bouger l'ensemble, c'est l'infrastructure.
Mais pour cela il convient de ne pas jeter sur les citoyens ordinaires, et notamment les plus précarisés, un regard surplombant et décalé.
Sur la république et la laïcité, il faut faire confiance au peuple, à sa voix, à son intelligence individuelle et collective. Et rappeler encore que le message républicain est universel et non national, que la conception laïque "à la française" estégalement un point de vue que l'on peut défendre "en soi et pour soi", mais ce faisant aussi pour l'altérité. Enfin, rappelons nous le dernier discours de François Mitterrand, à la fin de son second mandat : "le nationalisme c'est la guerre". Les adorateurs de la nation devraient en tenir compte!

vendredi 1 février 2008

Mécanique délétère

Pour illustrer le précédent post, on apprend aujourd'hui que les institutions européennes, notamment la Commission, se sont félicitées du rapport Attali.
Il ne pouvait pas en être autrement, en raison de la logique que je développais précédemment. Du coup la spirale imbécile consistant à construire dans l'opinion, l'idée que la "technocratie bruxelloise" et le projet européen sont un risque et une agression peut reprendre de plus belle. Du coup, tous les chantres de la fermeture, du nationalisme et de la "France moisie" vont pouvoir renaitre. En bref, le tourbillon ouvert par la bourde stratégique de J. Chirac, face au Traité d'Union Européenne, et de F. Hollande dans son référendum interne au PS, reprend force et vigueur.
Tous les ferments de division sont à nouveau à l'oeuvre, et au premier chef, ceux qui nourrissent les tentations conservatrices, populistes ou même nationalistes, et ce, autant à gauche qu'à droite.
Ce contexte en marche m'évoque la période que connut la vie politique française entre 1965 et 1975: d'abord les péripéties conservatrices de la vieille SFIO, du PC et du radicalisme, que dut dépasser F. Mitterrand. Puis, à la mort de Pompidou, les même frasques dans l'univers gaulliste. Giscard d'Estaing et J. Chirac surent en tirer profit.
Il faut lire le récent ouvrage de M. Cotta (Cahiers secrets de la cinquième république", éd. Fayard), c'est un voyage au cœur de cet univers trouble et passionnant. Connaitre cette période est un grand enseignement pour comprendre l'actualité.
Finalement, aujourd'hui la vraie question n'est elle pas : à qui profite le crime? Pour la réponse, il faut rester attentif et vigilant!