dimanche 27 janvier 2008

Commission Attali : le "mal français" n'est pas là où l'on croit!

L'épisode du rapport de la commission dite "Attali" peut nous révéler le ou les lieux du "mal français", c'est - à - dire là où s'élaborent des blocages qui coutent si cher au dynamisme potentiel de notre pays.
Le plus évident d'entre eux réside dans la "psychologie collective", c'est - à - dire dans les représentations intériorisées des français : ce schéma binaire, qui opposerait d'un coté l'erreur et , de l'autre, la vérité.
Or nous ne sommes pas dans un monde éthéré, parfait, idyllique, où ces deux versants s'opposeraient frontalement. Dans le monde réel, celui que la sociologie, entre autres, essaie d'embrasser, il y a, certes, l'erreur, qui, elle, est une ; mais il y a des vérités, celles de chaque individu ou de chaque groupe social, vérités qui se construisent, se bricolent, au gré des contextes sociaux et historiques, qui façonnent la réalité et en constituent les contours structurant. Ces vérités sont le résultat de la croyance, individuelle ou collective, ce carburant essentiel de la confiance, lien indispensable entre gouvernant et gouvernés pour assurer la stabilité politique.
"L'épisode Attali", en lui - même, est typique d'un phénomène de gouvernance qui date, environs de la "période Giscard" (années 70), moment où la politique se technicise, car l'innovation scientifique prend la forme de la technoscience, c'est - à - dire qu'une fois produite la découverte se retrouve immédiatement dans le circuit commercial, social ou politique. La conséquence de cette accélération est que le politique a perdu le temps nécessaire pour prévoir les conséquences ou les usages possibles de ces avancées. Et, de manière quasi naturelle, il a alors eu recours aux experts, scientifiques légitimes commis pour dire ce qui va se passer.
Ainsi, parés des plumes de leur aura scientifique, ces experts vont, ni plus ni moins, remplir les mêmes fonctions qu'un Nostradamus auprès de la cour du Roi.
On comprend mieux, le "tout ou rien" annoncé par J. Attali. Ces experts, indiscutables, ont véritablement travaillé, ont, de bonne foi, élaboré un véritable travail de prospective economico - politique, mais ont aussi construit, sans s'en rendre compte, une micro - sociabilité entre eux, qui ne peut fonctionner que grâce à la distinction vis - à - vis du "commun", autrement dit tout ce qui n'est pas "eux".
Jusqu'ici, on ne peut rien leur reprocher, tout "think tank" fonctionne ainsi.
Mais désormais, le rapport ne leur appartient plus, il est publicisé, il est dans l'espace public et tout citoyen est en mesure de s'en saisir, de le discuter, de se l'approprier, de construire son point de vue. C'est d'ailleurs ce qu'a fait, en premier, N. Sarkozy, en taillant immédiatement dedans, refusant le principe de précaution et la suppression des départements.
La difficulté d'un exercice comme celui de la "commission Attali", repose sur un mythe : il existerait une cohérence en soi, abstraite, qui pourrait être le moteur de la politique concrète, celle à mettre en place au jour le jour. Du coup, un groupe d'experts comme celui là, est contraint de construire un modèle d'analyse qui, aussi fin et sophistiqué soit - il, ne peut fonctionner que "toute choses égales par ailleurs". C'est - à - dire en négligeant les variables qui n'ont pas été prises en compte dans le modèle.
A titre personnel, je crains que la notion de mentalité, certes marquée par l'inertie de la longue histoire, mais déterminante dans la construction de l'estime de soi et des identités, ait été négligée.
Par ailleurs et surtout, la notion de lien social, dans sa complexité et son évolution, me semble également avoir été, plus ou moins volontairement, passée par pertes et profit.
Enfin, à l'heure où la France s'est décentralisée et où l'Europe se construit politiquement (qu'on le veuille ou non), les experts de cette commission ont réfléchi soit nationalement (en négligeant les identités locales), soit internationalement (entre nations), et très peu à l'échelle européenne en tant que telle. Où alors, en réduisant la construction politique de l'Europe au phantasme d'une nation européenne qui n'a aucun sens. D'où l'imbécile résurgence de la suppression des départements.
Pour construire un regard critique sur les propositions du rapport, c'est - à - dire, reconnaître aussi les apports indéniables qu'il donne, il conviendrait plutôt de prendre au mot la ligne politique proposée par Nicolas Sarkozy : la "politique de civilisation".
Pour cela, il convient d'aller à sa source et relire E. Morin, on constatera alors que ce qu'il défend est le résultat du diagnostic de toute son oeuvre : le monde social et le monde scientifique sont déliés par l'hyperspécialisation. Pour soigner le social, il convient d'abord de sauvegarder le lien social là où il demeure, et de le retisser là où il a disparu. C'est là qu'est l'urgence! Or cette priorité ne supporte pas la logique de l'économie d'échelle, celle qui défend qu'on peut faire aussi bien à un niveau plus vaste en mutualisant les ressources et les coûts.
Il me semble que ce que cherchent d'abord les français c'est "connaître et être reconnus". Sur le premier versant, celui de la connaissance, le rapport Attali est remarquable, sur le second, soyons clair, il a tout faux. Mais pouvait - il en être autrement, au regard des conditions même de l'exercice?

dimanche 13 janvier 2008

Bling, bling......... et Paf?

Derrière ce titre intriguant, je souhaiterais revenir sur un thème "hyper classique" de la science politique : à partir de quelle combinaison de légitimité notre Président construit il la sienne?
On le sait depuis Max Weber, chaque gouvernant possède en la matière trois ingrédients : la légitimité légale - rationnelle (issue de la constitution et de la confiance du peuple dans la règle du suffrage universel), la légitimité charismatique (basée sur le caractère exceptionnel de la personne du gouvernant et sa capacité à générer chez l'autre le désir de lui - même) et la légitimité traditionnelle (fondée sur la croyance qui fait du gouvernant l'héritier d'un système historique indiscutable, coutumier, religieux ou traditionnel).
Je ne discuterai pas les deux premières légitimités : pour la première, les urnes ont tranché, pour la seconde, il suffit de lire l'actualité au jour le jour pour vérifier sa présence. En revanche, pour ce qui est de la troisième, il me semble frappant de constater qu'à deux reprises depuis mai dernier il a tenté d'en user:
1) La photo officielle qui orne nos mairies étonne (détonne?) par son coté incroyablement classique. Tout se passe comme si, dans cette posture de légitimité, notre Président n'était pas crédible.
2) Les voeux et la conférence de presse : là encore, il a manifestement tenté de mobiliser la ressource de la légitimité traditionnelle. Le critère, pour s'en convaincre est très simple : c'est le grand classicisme du dispositif de communication mis en place. Force est de remarquer que l'effet d'opinion positif, attendu dans les deux cas, ne s'est pas réellement produit.

J'en conclus, provisoirement, qu'il y a là "un défaut dans la cuirasse", un angle qu'il s'agit d'observer très précisément. Peut - être est - ce le "talon d'Achille" de Nicolas Sarkozy?

jeudi 3 janvier 2008

Ah la séquence!!!

Avant tout, évidemment, bonne année à toutes et tous les lecteurs et commentateurs de ce blog. Merci de supporter mes élucubrations et que cette année nous permette de faire sérieusement toute chose (même rire) sans jamais se prendre au sérieux!
Les bulles, foie gras, gastéropodes, spécialités conchylicoles diverses, sans oublier chapons et bûches, étant digérées, ou en voie de l'être, "revenons à nos moutons" blogosphèriques, je veux parler de la très belle suite spectaculaire que nous a offert le chef de l'Etat.
Pour résumer, nous avons eu, Kadhafi, Carla Bruni (jusqu'ici ça rime), chanoine de Saint Jean de Latran, etc, etc... Pour aboutir, enfin, à l'énigmatique "politique de civilisation" esquissée lors de l'allocution du 31 décembre.
Ce que je retiens de tout ça, c'est le fait que N. Sarkozy a parfaitement intégré un effet de nos pratiques médiatiques. Nous sommes de moins en moins habitués à consommer une oeuvre et de plus en plus à recevoir de l'information. Or la première est forcément, assez longue, nécessite du temps, de la réflexion et une attitude constante. La seconde, au contraire, arrive en salves successives, comme une suite de stimuli, et incite à la réaction plus qu'à la réflexion.
Ce qu'il faut donc, désormais, c'est être maître du rythme, et au centre de l'info.
Reste une question, la réaction réelle sera t - elle toujours proche de celle escomptée?
Là est tout le drame de l'acteur qui se croit tout puissant : son pouvoir, y compris et surtout sur l'opinion, a aussi des limites. L'opinion a une dynamique propre. Et le problème du Président n'est même plus de savoir s'il saura s'y adapter, mais de savoir s'il pourra le supporter!