vendredi 26 octobre 2007

Chose Promise, chose due !

Dans un précédent post, j'avais parlé de BHL et de son livre, « ce grand cadavre à la renverse », en promettant d'y revenir, une fois le livre lu. C'est chose faite : acheté mardi 22 octobre à 17 h., achevé jeudi 23 à 23 h.

Je veux dire que je recommande ce livre, pour ce que j'y ai trouvé de riche et courageux, mais aussi pour les points volontairement aveugles qu'on y trouve et, du coup, sa contribution (volontaire et involontaire) à la grande question qu'il entend traiter : comment être de gauche aujourd'hui ?

Au chapitre des apports, il faut indiscutablement lui rendre hommage pour la très belle synthèse / interprétation du sens à accorder à ce qu'on a appelé la nouvelle philosophie. Il montre comment, par l'intermédiaire des contributions et engagements essentiels, de lui – même et de ses amis, un espace de l'esprit s'est ouvert, à gauche, sur le deuil des promesses marxistes, à partir du combat radical contre le goulag, Pol Pot et tous les potentats qui abusèrent systématiquement des espérances de peuples trop longtemps assujettis. Il montre ensuite, d'une manière extrêmement pertinente, comment aujourd'hui, la gauche est gagnée par la résurgence d'un autre péril : la soumission inconditionnelle au mythe de la nation, théodicée dangereuse, qui peut conduire jusqu'au risque totalitaire. A ce titre sa dénonciation de l'usage de Carl Schmitt, au delà d'une mode dangereuse, comme révélatrice d'une très vieux penchant préfasciste de la gauche française, est salvatrice. C'est bien là qu'est la pierre d'achoppement sur laquelle bute un Parti Socialiste qui préfère l'aveuglement au courage de son analyse. Enfin, il nous rappelle, quoique peut – être avec une affectation excessive, les liens structurels qui unirent les groupes islamistes avec le régime nazi sur un objectif commun atroce, au sens propre du mot : l'extermination des juifs. Enfin, il réhabilite l'humanisme comme projet universel assumé, à travers la promotion des Droits de l'Homme, et fustige le relativisme absolu comme le premier pas vers une possible perméabilité aux stratégies dangereuses des prénationalistes (ou franchement nationalistes) de tous poils, qui hantent plus que jamais la gauche, y compris les couloirs de la rue de Solférino.

Cet apport là est essentiel, il rassurera un nombre important de citoyens, de tous âges et de toutes conditions, sur un fait minimal mais prometteur : il reste encore des gens qui, assumant une identité de gauche, continuent à l'interroger, et, partant, à la faire vivre !

Au chapitre des regrets, il en est un qui « plombe » l'entreprise de BHL, le caractère intangible de sa posture platonicienne. Il croit, c'est son honneur (et il mérite le respect), que le monde des idées est bien un lieu, presque éthéré, où des possibles existent, libérés en partie des contingences sociales et humaines. Il est sans doute en partie vrai que la dynamique propre aux idées n'est pas celle des groupes sociaux. Mais, comme dirait Aristote, n'oublions pas que « tout ce qui se meut est mu ». Et, à ce titre, si l'on peut se louer du legs qu'il reconnait à ce géant intellectuel du 20 ème siècle qu'est Cornélius Castoriadis, on pourra regretter qu'il tienne si peu compte du message essentiel de « sujet et vérité dans un monde social - historique ». Le choix d'une posture philosophique surplombante, observant de son Parnasse une sociologie traversée par nombre d'influences qu'il juge perverses (les héritiers de P. Bourdieu), m'apparait comme contre - productive. Et disons le tout net, il y a grand danger à s'exfiltrer des problématiques du commun quand on souhaite s'interroger sur la politique. Il eut été, sans doute plus efficace de plaider pour une pédagogie accueillante de l'exigence républicaine pour dénoncer le populisme réellement à l'œuvre aujourd'hui : celui des antieuropéens et altermondialistes (ce dont je conviens avec BHL).

Enfin, et ce n'est pas le moindre des problèmes que j'ai pu ressentir à la fin de l'ouvrage : la justification du droit d'ingérence (que je soutiens par ailleurs) provient, selon lui, du legs judéo – chrétien, et donc de la laïcité qui en résulte (et il a raison sur ce point là encore), mais tout cela semble autoriser l'auteur à vouloir le bien d'autrui y compris contre son gré, ce que je ne saurais accepter.

Sur ce point, n'en déplaise à BHL, Freud et Lacan ont raison, mais aussi Ricoeur à sa manière, le « je », sujet désirant, est une réalité à laquelle nos vies doivent se confronter radicalement. Et ce n'est pas de tolérance qu'il s'agit, mais de démocratie !

6 commentaires:

etudiant a dit…

J'ai pas lu ce libre de BHL; a part quelques extraits nauséabonds concernant hugo chavez, le monde diplo ( que j'affectionne particulierement). Dailleurs dans le numéro de ce mois ci un article y est consacré ( au livre de bhl).
Personnellement il ne me donne pas du tout envie de le lire. Les rares fois ou j'ai pu l'entendre à la télévision, j'ai été consterné par le discours qu'il a tenu sur la social démocratie et toute ces aneries de socialistes résignés.

Et c'est bien de citer le lien entre groupes islamistes et régime nazi, encore faudrait il citer le lien qui unirent Ford et Hitler, lien plus important quoique mal connu.

amélie a dit…

tu veux bien nous faire connaître ce lien (si seulement il est justifié) pcq moi je ne le connais pas

merci

Anonyme a dit…

monsieur,
Je voulais savoir s'il était possible que vous nous concontiez un petit article sur la méthode à suivre pour construire la fiche de lecture en UE libres..
Merci d'avance.
Ps: Pour "étudiant", étant moi même vénézuélienne et qui plus est de gauche, je te conseille vivement de prendre du recul vis-à-vis de régime d'Hugo Chavez.. Les choses sont beaucoup plus compliquée à mon sens que tu le pense.

etudiant a dit…

pour amélie : Le lien est en accés libre sur le site du monde diplo.
pour lucia :
je n'ai pas dit pour autant que c'etait un saint, j'ai juste dit qu'on a tendance à le voir tout en noir. Aucun probleme de recul vis a vis de ca.

etudiant a dit…

amélie, tu peux trouver l'article ici : http://www.bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=54808

Jean-Philippe Roy a dit…

Chère Lucia,
Merci de venir sur le blog. Puis je vous demander de me contacter via le mail pour la fiche de lecture.
Je suis conscient que beaucoup d'étudiants viennent sur le blog, mais je ne voudrais pas encombrer les commentaires de sujets universitaires.
Néanmoins, n'hésitez pas à venir visiter le blog, vous y êtes la bienvenue.